
IA et démocratie, tempête dans un verre d'eau
Il y a un an, les médias s'inquiétaient de l'impact potentiel de l'intelligence artificielle (IA) sur les élections de 2024. Cette année, alors qu'environ la moitié de la population mondiale a été appelée aux urnes, il est temps de faire un premier bilan.
L'IA offre des capacités impressionnantes pour générer du texte, des images et même des vidéos. Nous avons légitimement craint que cette technologie puisse influencer significativement le choix des électeurs. Les élections ont toujours été accompagnées de désinformation, mais l'IA semblait capable d'amplifier ce phénomène à une échelle sans précédent.
Cependant, les premières études scientifiques révèlent que l'IA générative (GenAI) n'a pas réussi à inonder les réseaux sociaux de fausses informations comme on aurait pu le craindre. Ces recherches se sont principalement concentrées sur l'influence de masse. Comme je l'ai évoqué dans une publication précédente: "Désinformation 2.0 : l'apport pernicieux de l'IA", la propagation efficace de la désinformation nécessite un réseau de diffuseurs (ou "spreaders" en anglais). La mise en place d'un tel réseau a un coût, ce qui nous a probablement protégés d'un déluge informationnel.
Néanmoins, à plus petite échelle, la GenAI a été utilisée dans des campagnes de dénigrement ou pour faire du chantage à des opposants politiques. Ces attaques ciblées étant plus difficiles à détecter et à quantifier, il est complexe d'évaluer précisément leur impact global.
Il est important de noter que la période électorale n'est pas terminée. Nous devrons attendre la fin des élections américaines pour avoir une vision plus complète de la situation, grâce à de nouvelles études sur le sujet. L'IA, et plus particulièrement l'intelligence artificielle générative, est une force qu'il faut continuer à surveiller attentivement. Son impact sur la démocratie pourrait être subtil, mais cumulatif, à l'image du changement climatique qui représente une menace constante et progressive.
Pour nous protéger à l'avenir, il est crucial que chacun d'entre nous développe son esprit critique face à l'information. Nous devons également maintenir un débat ouvert et constructif autour des enjeux importants pour notre société. C'est en restant vigilants et en favorisant le dialogue que nous pourrons préserver l'intégrité de nos processus démocratiques face aux défis posés par les nouvelles technologies.
Mes lectures de la semaine 41, du 7 au 13 octobre 2024:
- L'impact de l'IA sur les élections a été surestimé: https://www.technologyreview.com/2024/09/03/1103464/ai-impact-elections-overblown/amp/ et https://www.turing.ac.uk/news/no-evidence-ai-disinformation-or-deepfakes-impacted-uk-french-or-european-elections-results (articles en anglais)
- Les grands modèles de langage échouent face aux problèmes de maths composés, révélant les limites de leur raisonnement, mais selon moi, ils progressent à chaque nouvelle version : https://arxiv.org/pdf/2410.01748 (publication en anglais)
- Le Prix Nobel de physique 2024 a été attribué à Geoffrey Hinton et John Hopfield pour leurs travaux pionniers sur les réseaux de neurones dans les années 1980, qui ont posé les fondements de l'intelligence artificielle moderne : https://www.nobelprize.org/prizes/physics/2024/press-release/ (communiqué en anglais)
- Les agents intelligents, un vieux rêve des informaticiens, sont l'avenir de l'IA: https://www.theverge.com/2024/10/10/24266333/ai-agents-assistants-openai-google-deepmind-bots (article en anglais)
- Yann LeCun, l'IA a un potentiel positif énorme et ne va pas détruire l'humanité: https://www.letemps.ch/cyber/yann-lecun-directeur-du-laboratoire-sur-l-ia-de-meta-l-intelligence-artificielle-ne-va-pas-detruire-l-humanite
Image générée par MidJourney